jeudi 24 janvier 2013

L'avion qui ne voulait pas s'écraser

Malmstrom Air Force Base, Montana, 2 février 1970.

Ce jour là, quatre F-106 appartenant au 71st FIS (escadron d'instruction) s'apprêtent à décoller de la base pour un entraînement au combat aérien 2 contre 2 (ACM en jargon des pilotes, ou Air Combat Manoeuver). L'un des appareils doit annuler son décollage suite au déploiement intempestif de son parachute de freinage au sol. Reste trois appareils pilotés par Tom Curtis, Jim Love et Gary Foust qui pilote le F-106 n°58-0787, code radio "Huntress 36".

Deux F-106 en formation..avec un moteur qui n'est pas encore très écologique...


Le "dogfight" s'engage entre les trois appareils au dessus d'une zone réservée à ce genre d'acrobaties. Les appareils font plusieurs simulations d'engagement et de combat tournoyant. Les appareils sont équipés de cinémitrailleuses, une caméra qui remplace le canon de l'appareil, et permet d'analyser au sol le comportement des appareils pour reconstituer l'engagement.

Suite à une dernière manœuvre, le F-106 de Gary Foust part en lacet violemment, décroche et se met en vrille plate…le pilote tente de récupérer mais n'y arrive pas. Il décide de s'éjecter en franchissant la barre des 15 000 pieds. Une vrille plate est toujours redoutée des pilotes, car ils savent que peu ont survécu pour raconter comment en sortir. Gary Foust sait donc qu'il a très peu de chance de récupérer son appareil, et préfère s'éjecter avec suffisamment de marge de sécurité.

Il tire la poignée, la verrière se détache et son siège part correctement, tassant légèrement son pilote au passage. C'est alors que se produit quelque chose de totalement inédit : la poussée du siège et le changement de centre de gravité est tel que l'avion sort tout seul de la vrille où il s'était engagé…et le voilà rétabli en vol rectiligne comme si de rien n'était, si ce n'est qu'il n'a plus de pilote, qui descend en parachute jusqu'au sol. Comme ce dernier avait réduit les gaz au minimum, l'appareil se met t en descente stable et commence à descendre gentiment. Il faut aussi savoir que la procédure de sortie de vrille prévoit de mettre les volets en position décollage, mais la position "décollage" n'étant pas si mal pour l'atterrissage, l'appareil se retrouve ainsi en descente très stable.

Un retour sur le plancher des vaches en douceur...

Gary Foust se pose dans les montagnes sans encombres, il sera récupéré rapidement par des moto neiges  lancées à son secours. Quelques minutes plus tard, l'appareil touche le sol sur le ventre, en vol quasi horizontal dans un champ recouvert de neige. Il glisse sur plusieurs centaines de mètres avant de s'arrêter en plein milieu du champ, n'ayant rencontré aucun obstacle sur sa route. Le moteur continue à tourner, ce qui fait avancer l'appareil de quelques mètres par heure malgré tout.

Le sheriff du coin découvre l'avion au milieu du pré et se précipite pour porter assistance au pilote..avant de découvrir un cockpit vide…il appelle donc d'urgence le bureau de l'Air Force le plus proche pour demander comment éteindre le moteur…ce à quoi on lui répond de le laisser tourner jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de carburant ! Aucun obstacle à l'horizon, l'appareil continue d'avancer lentement et il n'y a plus qu'à attendre !

Le réacteur a laissé une bonne traînée de neige fondue et de terre brûlée, mais l'appareil est intact...


90 minutes plus tard, le moteur toussote puis s'arrête : il n'y a plus de carburant dans les réservoirs ! Une équipe de l'USAF dépêchée sur place peut alors procéder à la sécurisation de l'appareil (désactivation des équipements électroniques, dont le radar qui peut infliger des blessures au sol (n'oublions pas que radar et micro-ondes font partie du même type d'équipements !) et démonter la batterie de bord. Les ingénieurs peuvent alors procéder à un premier examen des dommages, qui sont importants : l'appareil s'est posé dans un champ recouvert d'une épaisse couche de neige, il a glissé sur plusieurs centaines de mètres, ce qui a bien endommagé sa soute à armements et le bas de l'appareil ! 

Retour à la maison pour l'appareil


Avec l'aide d'un camion grue et du matériel adéquat, les équipes vont lever l'appareil avant de démonter les ailes, et de charger le tout sur un train pour ramener cet avion qui ne voulait pas mourir à McClellan AFB.

Remonté et nettoyé, équipé d'un nouveau siège éjectable flambant neuf et de nouvelles trappes de soute à armement, le 58-0787 sera remis en service pendant encore de longues années, avant d'être mis  à la retraite au musée de l'Air Force de Dayton dans l'Ohio. Il est toujours connu sous le nom de "bombardier du champ de blé"


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